Google TV, Apple TV, Netflix, TiVo, Boxee, Hulu… la liste des prétendants au titre de champion de la télévision de demain est longue et la bataille fait rage aux Etats-Unis, comme en France bientôt. Tous ces nouveaux acteurs de l’éco-système audiovisuel n’en ont que pour nos yeux et le temps passé devant les écrans. Car ce temps-là, dans l’économie de l’attention, c’est de l’argent ! Celui qui contrôle la consommation vidéo des téléspectateurs a de fortes chances d’en tirer profit au travers de la vente de terminaux, de la publicité ou de la vente de contenus.
Malheureusement, dans cette bataille homérique pour le temps de cerveau disponible des consommateurs, il n’est pas évident que le téléspectateur trouve aisément le chemin des programmes TV qui lui conviennent le mieux. Comme l’explique sur le site ReadWriteWeb Axelle Tessandier, le simple vocable « télévision » cache une réalité plus complexe : « ce que l’on regarde (les contenus), comment on la regarde (la technologie et les formats) et d’où on la regarde (écran dans le salon, tablets, smartphones et autres) ».
Avec les terminaux connectés à Internet, la chaîne de distribution audiovisuelle se complexifie tout en s’ouvrant. Les opérateurs du câble et de l’ADSL, et même les chaînes de télévision, sont court-circuités par la désintermédiation. Le consommateur peut théoriquement regarder des centaines de chaînes de télévision et, par milliers, des programmes en vidéo à la demande… sous réserve d’accord entre plateformes et qu’utiliser sa ou ses télécommandes ne devienne pas un casse-tête !
Pour réussir à conquérir des parts de marché et des parts d’audience, les acteurs de l’édition et de la distribution audiovisuelle vont donc devoir proposer une offre simple pour les téléspectateurs qui repose sur la qualité de l’expérience utilisateur.
A quoi pourrait bien ressembler demain cette nouvelle expérience de la télévision, sans empilement d’appareils compliqués, ni multiplication d’abonnements ?
Comme l’écrit sur son blog l’investisseur américain Marc Cuban, à propos de l’avenir des plateformes Apple TV et Google TV, le téléspectateur moyen cherche à se divertir le plus simplement : « La télé dans son ensemble, ce n’est pas un business qui vise à créer du super contenu. C’est le business qui guérit le public de l’ennui ». Marc Cuban pense ainsi que le potentiel de la TV connectée sera plus dans les jeux sur la télé que dans les contenus vidéo traditionnels.
Point de vue inverse pour le PDG de Boxee, dont le boîtier connecté rapatrie sur le téléviseur les émissions TV disponibles gratuitement sur Internet. Quand on lui parle de convergence entre le Web et la télé, Avner Ronen réplique que « les gens ne veulent pas surfer sur leur TV. Ils sont intéressés par regarder du contenu. C’est tout ».
S’il est un point sur lequel Marc Cuban et Avner Ronen se rejoignent, c’est celui de l’expérience utilisateur. Au delà des contenus et de la technologie, il importe de simplifier la vie du téléspectateur avec sa zappette en main.
En Grande-Bretagne, Ian Valentin, le fondateur de Miniweb, agence spécialisée dans les services interactifs, explique dans le magazine IBE sa conception de la User Experience, l’UX pour les initiés. Au cœur de cette nouvelle télévision connectée, il y a les outils de découverte intégrés au guide des programmes : moteur de recherche, suggestion de contenus en relation avec un programme, partage et échanges communautaires, notation des programmes et recommandation, alerte sur les programmes favoris. Il part du principe que le contenu a plus d’importance que la chaîne TV qui le diffuse. Selon Ian Valentin, « la TV connectée est une TV améliorée dans laquelle le spectateur ne doit pas se soucier de la manière dont le contenu vidéo est délivré (télévision linéaire, vidéo à la demande, réseau multimédia domestique, enregistreur type PVR). Il faut juste simplifier l’expérience utilisateur pour que les coutures technologiques disparaissent ».
Au sein de la société californienne Punchcut, on pense que l’interface de la télévision de demain doit devenir holistique, intuitive si l’on préfère. Sur son site Web, les ingénieurs et ergonomes de Punchcut affirment que « la télévision n’est pas un appareil, c’est une expérience. C’est la tablette comme télécommande. C’est une vidéothèque que l’on surfe sur un terminal compagnon. Voilà ce qui se passe quand plusieurs écrans s’ajoutent à l’expérience. Et le plus important, c’est de pouvoir emporter ses contenus sur différents terminaux où que l’on se trouve et d’interagir avec sans interruption. L’expérience utilisateur de la TV du futur doit dépasser les contraintes du living-room et satisfaire les téléspectateurs en tous lieux ».
Exactement la même vision que l’agence Nealite en France, qui suggère une approche ergonomique simplifiée des interfaces de la TV connectée : « l’expérience utilisateur prime sur le contenu », selon son président Jean-François Marti dans une interview vidéo au blog TV 2.0.
Ce n’est pas Peter Merholz qui dira le contraire. Le président de la société Adaptative Path est un spécialiste des problématiques de conception et d’usabilité. Il vient de mener une enquête sur le terrain, ou plutôt dans le salon, auprès de téléspectateurs américains. La présentation de ses résultats a captivé l’audience technophile de la conférence NewTeeVee Live à San Francisco cette semaine. Il en ressort que « la plupart des gens veulent juste regarder la TV, que ce soit simple et que ça marche ». Peter Merholz explique que les téléspectateurs souhaitent garder la même expérience média : « Tout le monde ne veut pas le joujou dernier cri, avec des fonctionnalités trop compliquées ».
Dans sa présentation, il plaide pour une implication minimale rendant un service maximal au consommateur, citant en exemple le service de musique en ligne Pandora ou l’enregistreur numérique TiVo, mais aussi le bon vieux téléviseur avec un simple bouton marche-arrêt.
La simplicité doit s’imposer sur le plan technique comme dans l’expérience de l’utilisateur. Et pour cela, il faut limiter les frictions, les freins si l’on préfère. Au niveau technique, par exemple, ce sont des problèmes de connexion réseau ou de batteries trop faibles. Et au niveau de l’expérience, ce peut être des publicités intempestives, des paiements à l’acte à répétition ou la difficulté de trouver un programme. Selon lui, « Netflix a capitalisé sur un système sans friction » et « la TV par câble n’est pas perdue car c’est encore l’expérience la plus fluide pour voir des vidéos ».
Pour illustrer le thème de la simplicité, Peter Merholz montre côte à côte la télécommande d’une Google TV chez Sony et celle de l’Apple TV (voir l'illustration en haut de cette note). Il n’y a pas photo !
Enfin, il reconnaît l’intelligence supérieure du programmateur qui sélectionne les contenus dans la grille d’une chaîne de télévision. Car il doit intégrer le fait que, selon les moments de la journée, les téléspectateurs n’ont pas les mêmes envies entre information et divertissement. Tandis qu’avec des services à la demande comme Netflix, TiVo ou Apple TV, « tout ce que l’on a, ce sont des listes ».
Regardez en vidéo et en anglais la présentation de Peter Merholz, président de Adaptative Path, sur les nouvelles formes de télévision et l’expérience utilisateur lors de la conférence NewTeeVee Live 2010.