L’étude conduite par le groupe digital Say Media (ex-VideoEgg et Typepad) auprès de téléspectateurs américains est révélatrice du nouveau paradigme de la consommation TV, une consommation vidéo à la demande en dehors du référentiel temporel des traditionnelles grilles de programmes télé. Pour résumer les conclusions dressées : un Américain sur trois ne regarde plus la télévision en direct ou préfère se tourner vers des contenus vidéo en streaming qu’il visionne aussi bien sur l’ordinateur, que sur son mobile ou même son téléviseur.
Cette étude de Say Media a permis d’identifier deux types de consommateurs hors grille TV (« Off The Gridders ») :
- les abandonnistes (« Opt-out ») qui ne regardent plus la télévision OU ne l’ont pas regardée sur la semaine écoulée ET visionnent plus de 4 heures de vidéo en streaming par semaine sur leurs différents écrans ;
- les téléspectateurs à la demande (« On Demanders ») qui visionnent plus de 4 heures de vidéo en streaming par semaine ET regardent moins la TV en direct qu’un an auparavant.
A l’échelle américaine, ces adultes consommateurs hors grille de programme TV représentent tout de même un tiers du marché, avec 20% d’abandonnistes au sens de l’étude (34 millions d’individus) et 13% de téléspectateurs à la demande (22 millions d’individus).
Ces quelque 56 millions de consommateurs représentent un marché conséquent pour les annonceurs publicitaires, d’autant plus attractif que ses caractéristiques semblent séduisantes. Comparativement aux internautes américains, les abandonnistes comme les téléspectateurs à la demande sont plus jeunes, avec un niveau d’études et des revenus supérieurs à la moyenne. Ces téléspectateurs hors grille supportent globalement moins la présence de la publicité que les internautes moyens. Cependant, selon l’étude, les abandonnistes tolèrent mieux la présence de publicité dans les vidéos streamées, car ils savent que c’est la contrepartie d’un accès gratuit à leurs émissions TV favorites.
Les téléspectateurs à la demande, eux, sont suréquipés en appareils multimédias (PC, mobile, tablet) permettant de visionner leurs programmes en streaming. Ils sont aussi sur-consommateurs de contenu payant au travers d’offre vidéo premium sur leur mobile ou de vidéo à la demande sur abonnement comme Netflix qui propose des films et des séries TV.
Toujours à la recherche de l’efficacité et de la praticité, ces téléspectateurs multi-écrans, affranchis de la contrainte de la grille de programme TV, n’en sont pas moins sur-consommateurs de vidéo. L’étude note que leur prime time de consommation vidéo reste la tranche 20H – 23H. La télévision linéaire n’est pas totalement absente de leurs usages du soir, puisque la moitié des téléspectateurs à la demande continuent encore de suivre leurs programmes préférés en direct.
Say Media tire deux conclusions de cette étude destinée aux annonceurs et à leurs agences média conseil. Pour mieux toucher les téléspectateurs à la demande, plus irritables à l’intrusion publicitaire, il est préférable de travailler le taux de couverture de la campagne en limitant la fréquence de l’exposition publicitaire. Quant aux abandonnistes, il convient plutôt d’engager le dialogue avec eux au travers de communautés ciblées et des médias sociaux.
On retiendra surtout de cette étude le nouveau paradigme de cette consommation TV hors grille de programme. Ces téléspectateurs 2.0, abandonnistes comme à la demande, prennent rationnellement leur décision de consommer les contenus vidéo et cherchent à éviter les interruptions publicitaires. Ils choisissent leur moment et leur écran pour regarder les programmes de leur choix, afin de maximiser leur satisfaction.
Le téléspectateur transformé en directeur des programmes TV, ce n’est donc plus tout à fait une utopie à l’heure de la TV connectée et du Web omniprésent. Personnellement, je pense que les grandes chaînes conserveront à l’avenir un rôle essentiel dans la promotion et la prescription des marques fortes que sont les séries TV, les formats d’information comme de divertissement. L’enjeu pour les diffuseurs sera de capter la valeur économique des usages qui migreront vers d’autres plateformes (Google TV, Apple TV, Youtube, Dailymotion…) et d’autres écrans (mobile, tablet, ordinateur, console de jeu…), sinon c’est toute la chaîne de production audiovisuelle et de distribution TV qui pourrait s’en trouver disloquée.