Entre passion et business, le sport est par excellence un domaine où les enjeux se cristallisent en télévision comme dans les nouveaux médias.
Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil au Top 100 des meilleures audiences TV de l’année 2006 fourni par Médiamétrie, l’arbitre de la compétition audiovisuelle.
Classement des meilleures Audiences TV 2006 (mediametrie) | |||||
Chaîne |
Genre |
Emission |
Audience |
Date | |
1 |
TF1 |
Foot |
Portugal-France (1/2 Coupe du Monde) |
22,2 millions |
5 juillet |
2 |
TF1 |
Foot |
France-Italie (Finale Coupe du Monde) |
22,1 millions |
9 juillet |
3 |
TF1 |
Foot |
Espagne-France (1/8 Coupe du Monde) |
19,6 millions |
27 juin |
4 |
TF1 |
Foot |
Togo-France (Coupe du Monde) |
18,3 millions |
23 juin |
5 |
TF1 |
Foot |
France-Corée du Sud (Coupe du Monde) |
18,1 millions |
18 juin |
6 |
TF1 |
Foot |
Brésil-France (1/4 Coupe du Monde) |
17,9 millions |
1 juillet |
7 |
TF1 |
Foot |
France-Suisse (Coupe du Monde) |
14,7 millions |
13 juin |
8 |
TF1 |
Foot |
Remise de la Coupe (Coupe du Monde) |
12,6 millions |
9 juillet |
9 |
TF1 |
Foot |
France-Italie (Eliminatoire Euro 2008) |
12,4 millions |
6 sept |
12 |
TF1 |
Foot |
Allemagne-Italie (1/2 Coupe du Monde) |
11,9 millions |
4 juillet |
18 |
TF1 |
Foot |
France-Chine (match amical) |
11,2 millions |
7 juin |
20 |
TF1 |
Foot |
Barcelone-Arsenal (Finale Ligue des Champions) |
11 millions |
17 mai |
25 |
TF1 |
Foot |
Cérémonie de clôture (Coupe du Monde) |
10,9 millions |
9 juillet |
27 |
TF1 |
Foot |
Marseille(PSG (Finale Coupe de France) |
10,8 millions |
29 avril |
34 |
TF1 |
Foot |
France-Danemark (match amical) |
10,3 millions |
31 mai |
43 |
TF1 |
Foot |
Milan AC-Lyon (Ligue des Champions) |
10,1 millions |
4 avril |
70 |
TF1 |
Foot |
France-Ile Feroe (Eliminatoire Euro 2008) |
9,2 millions |
11 oct |
83 |
TF1 |
Foot |
Lyon-Milan Ac (1/4 Ligue des Champions) |
9,1 millions |
29 mars |
85 |
TF1 |
Foot |
France-Mexique (match amical) |
9 millions |
27 mai |
91 |
TF1 |
Foot |
Allemagne-Portugal (petite finale Coupe du Monde) |
9 millions |
8 juillet |
Premier constat : Thierry Gilardi, Jean-Michel Larqué et leurs confrères commentateurs de foot sur TF1 ont réalisé neuf des dix meilleures audiences de 2006, toutes chaînes TV confondues. A l’occasion du Mondial en Allemagne, ils ont même établi un record historique, culminant à 22,2 millions de téléspectateurs pour la demi-finale Portugal – France. La meilleure audience de la télévision française depuis la création du Médiamat en 1989 !
Deuxième constat : le foot est le sport roi à la télévision, avec 20 des 100 meilleures audiences. Ni Roland Garros, ni le Tour de France cycliste, pas plus que le Tournoi des Six Nations en rugby ou les Jeux Olympiques d’hiver à Turin n’ont réussi à émerger dans le Top 100 des audiences TV 2006.
Troisième constat : le service public et M6 sont absents de ce classement, car la chaîne privée leader TF1 concentre son budget d’acquisition de droits sportifs sur les événements exceptionnels à grand spectacle susceptibles d’être les mieux monétisés par la publicité et le sponsoring. C’est ainsi que France 2 et France 3, avec un parti pris budgétaire de couverture multi sport tout au long de l’année, n’ont pas pu surenchérir sur le groupe TF1 pour la Coupe du Monde de rugby 2007. Montant des droits payés par le groupe privé, 40 millions d’euros. Il faut y ajouter le coût de production des images en haute définition, entre 5 et 8 millions d'euros. TF1 diffusera 20 matchs de la Coupe du Monde de rugby 2007 et sa filiale Eurosport les 28 autres.
C’est sur ce préambule factuel que s’est engagé le 30 janvier un débat sur le sport et son écosystème, dans le cadre des conférences de l’Electronic Business Group (EBG), à l’Université Paris-Dauphine. Participants de ce débat animé par Etienne Costes, Directeur Associé de Greenwich Consulting : Xavier Spender, PDG de L’Equipe 24/24 ; Michel Grach, Directeur des Médias à la Fédération Française de Tennis (FFT) ; Jacques-Henri Heyraud, Co-Fondateur et DG de Sporever ; Florence Hardouin, Responsable Marketing Infotainement et communautaire de SFR ; Vincent Grynbaum, Directeur Nouveaux Médias de Sportfive.
Que faut-il retenir de la discussion quant à l’avenir du sport dans les médias à l’heure de la convergence ?
1 - Le web est le support idéal en matière d’information sportive pour la réactivité et l’instantanéité. Le succès des modules Live sur les sites Sport365.fr (groupe Sporever) ou L’Equipe.fr le prouve. Les directs peuvent représenter jusqu’à la moitié de l’audience quotidienne du site.
2 - Sur les téléphones portables, en attendant l’arrivée de la TMP (Télévision Mobile Personnelle) d’ici un an, les services de résultats en temps réels rencontrent également un franc succès. Le football représente 70% de l’audience du portail Vodafone Live de SFR. A l’occasion de la Coupe du monde en Allemagne, SFR a enregistré 1,4 millions de téléchargements vidéo, l’audience de son portail mobile a triplé et l’alerting SMS en temps réel pour le « but par but » en vidéo a séduit 140 000 abonnés.
3 - Les ayants droits, comme les clubs, les fédérations et autres organisateurs d’événements, mandatent des sociétés de marketing sportif comme Sportfive (groupe Lagardère) pour optimiser la visibilité et / ou la monétisation des droits auprès des médias. Pour la vidéo, la tendance est désormais à la segmentation des droits par format (direct / différé, extrait / intégralité) et non plus par support (télévision, web, ADSL, mobile). Un opérateur comme Orange peut ainsi acquérir en exclusivité tous les droits live pour Roland Garros ou le Tour de France en multi plateforme, puis en céder une partie, en sous-licensing, à d’autres opérateurs ou à des médias.
4 - La problématique de fond pour les éditeurs des nouveaux médias reste celle des droits vidéo. Les sites d’information souhaitent bénéficier du droit à l’information pour reprendre des extraits vidéo jusqu’à une minute et trente secondes sur leurs services, même lorsqu’ils n’ont pas acquis les droits d’exploitation Internet ou Mobile. Autre point sensible pour les médias, nouveaux comme anciens, l’interdiction des exclusivités pour la reprise des événements d’importance majeure. Ces sujets réglementaires sont actuellement débattus au Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
5 - En dépit de la fusion entre TPS et Canal+, le marché des droits du sport devrait continuer de croître dans les prochaines années. Le développement de la TNT, les velléités de M6, la montée en puissance de l’IPTV et de la vidéo sur mobile en 3G comme en DVB-H favorisant la montée des enchères sur les sports majeurs.
6 - A l’inverse, l’abaissement des coûts de production et distribution audiovisuelle, grâce aux technologies numériques, permet aux sports peu médiatisés de pallier à l’absence des télévisions hertziennes. L’avenir sera aux événements en direct et en VOD (vidéo à la demande) via l’IPTV et les sites web pour les sports secondaires ou de niche. Le coût de production est passé en quelques années de 60.000 euros à 5.000 euros pour un événement sportif en plein air capté par 4 caméras. La CAN (Coupe d’Afrique des Nations) a expérimenté une stratégie de distribution alternative à la télévision aux USA, à destination de la communauté afro-américaine. En utilisant les techniques de géo-blocking (vérification de l’adresse IP de l’internaute), la compétition de football a été diffusée aux Etats-Unis sur le web et avec Google Video. Les droits web ont finalement représenté un quart des revenus de la CAN contre un dixième habituellement. En ce qui concerne les droits pour le mobile, ils restent encore marginaux dans l’économie du sport. Ils sont généralement valorisés entre 3 et 6% des droits TV, selon l’étendue des usages concédés.
Une analyse personnelle pour conclure : si l’on rajoute à ces 6 points le fait que chaque sport est caractérisé par une dimension émotionnelle et des logiques communautaires très puissantes, tous les ingrédients sont réunis dans l’écosystème pour que la TV 2.0 (multi plateforme, à la demande et participative) se matérialise très rapidement dans l’univers sportif. D’où le positionnement récent du groupe Lagardère qui, outre ses investissements dans l’élite du sport français au travers du Team Lagardère, vient aussi d’acheter Sportfive et Newsweb (Sports.fr, Sport4fun.com, Football.fr). Il conviendra de surveiller les ambitions internationales de Lagardère Active Media (également actionnaire minoritaire de Canal+ et de L’Equipe au travers des Editions Amaury), dans les prochains mois, à la frontière entre sport et médias.
Avec l’aide du vidéophone Nokia N93 (à fond de zoom optique x3 et à contre-jour, à 20 mètres des intervenants), voici un extrait vidéo du débat de l’EBG. Jacques-Henri Heyraud, Directeur général et co-fondateur de Sporever avec le journaliste sportif Patrick Chêne, répond à une double question sur les spécificités de la production de contenus sportifs pour les nouveaux médias et sur la concurrence des contenus générés par les utilisateurs sur les plateformes de partage vidéo comme DailyMotion et YouTube.