Savez-vous combien de foyers français disposent d’un boîtier triple-play ADSL (Internet, téléphonie, télévision) ? Réponse : 4,3 millions.
Savez-vous à présent quelle proportion de ces foyers ont raccordé leur téléviseur à leur « Box » ? Réponse : entre 20 et 25%, selon Olivier Appé, Directeur du département Télévision de Médiamétrie.
Du mythe de la TV par ADSL, vous venez de passer à la réalité !
Rendez-vous compte, d’après la dernière étude de l’institut chargé de la mesure d’audience en France, au mieux un quart seulement des abonnés Freebox, Livebox, Neufbox et autres Alicebox regardent la télévision via leur ligne téléphonique. Tous les autres utilisent leur boîtier pour l’accès Internet haut débit et/ou la téléphonie sur IP. Pas de quoi pavoiser pour les opérateurs qui investissent dans ces terminaux en espérant d’hypothétiques revenus sur des services à valeur ajoutée autour de la télévision. Cette information est l'un des temps forts de la conférence de l’Electronic Business Group qui s'est tenue aujourd’hui, à l'Université Paris Dauphine, sur le thème « TV ADSL : la nouvelle télévision interactive ? ».
L’animateur du débat, Laurant Weill, Président de Visiware et de l’AFDESI (Association Française des Développeurs, Editeurs et Fournisseurs de Services en télévision Interactive), a mis d’emblée les pieds dans le plat en demandant si le concept de « MVNO » (Mobile Virtual Network Operator) n’allait pas être transposé demain aux services de télévision par ADSL avec l’apparition de « TVNO », autrement dit d’opérateurs virtuels de réseaux de télévision. Le spectre de « Darty TV », bouquet de chaînes TV qui serait assemblé par Darty et distribué dans quelques mois au travers de la future DartyBox, n’est pas un mythe. Franck Abihssira, Directeur général adjoint de TPS, a confirmé avoir déjà rencontré les équipes du distributeur de produits électroménagers. Pourquoi pas, dès lors, imaginer un bouquet ADSL « FNAC TV » ou « Carrefour TV ». Une perspective de fragmentation du marché du triple play qui n’inquiète pas outre mesure Laurent Souloumiac. Le Directeur général de France Télévisions Interactive (FTVI) croit plutôt à une consolidation des FAI, en contrepoint de la consolidation en cours entre CanalSat et TPS sur le satellite et celle de Numericable avec Noos UPC sur le câble.
Et la télévision interactive dans tout cela ?
Les représentants de TPS, FTVI, tout comme Guillaume Lacroix, Directeur Stratégie et Innovation chez Neuf Cegetel, s’accordent sur le fait que la télévision interactive ne prendra son essor que si elle sort du monde fermé des middlewares (logiciels propriétaires pour le satellite et le câble) pour évoluer vers les standards du web. Dès lors, un éditeur de services comme France Télévisions pourra porter ses produits interactifs à moindre coût sur toutes les plates-formes existantes, y compris celles des différents fournisseurs d’accès ADSL. La masse critique d’utilisateurs adressés permettra d’envisager un vrai modèle économique avec - pourquoi pas - de la publicité vidéo interactive. Du côté des usages, Laurant Weill insiste sur le fait qu’aux Etats-Unis le service interactif « Dish Home » est dans le Top 5 des premières audiences au milieu de 800 chaînes et services du bouquet satellitaire Dish ou encore qu’en Grande-Bretagne les services interactifs du bouquet BskyB ont généré 600 millions d’euros en 2005, soit la 2e source de revenus de l’opérateur après les abonnements TV.
Pour Franck Abihssira, la killer application de la TVI (TV interactive) existe déjà, c’est l’EPG (guide électronique des programmes). Avec deux façons de l’envisager.
Soit un EPG linéaire, à l’image de ceux d’opérateurs comme TPS, CanalSat ou Noos. L’utilisateur sélectionne ses contenus TV dans une interface de menus déroulants. Il choisit dans un flux de données, mais ne peut rétroagir dessus.
Soit un EPG non-linéaire, à la manière des moteurs de recherche Google et Yahoo! sur le web. Le mythe Google Video, dont le représentant français était dans la salle, est passé par là. Guillaume Lacroix complète le propos en expliquant que la recherche devra à terme pouvoir se faire sur 3 types de services : la télévision broadcast, la vidéo à la demande et les enregistrements sur le disque dur ou le PVR de l’abonné ADSL. Ces fonctionnalités devraient logiquement pousser à la consommation de vidéo et de télévision, comme l’expliquait récemment dans une interview vidéo David Orain de Sun Microsystems.
Du côté des terminaux, TPS croit forcément au développement de la TVHD comme une composante essentielle de l’offre de télévision de demain. En revanche, les fonctions PVR, communication avec le mobile, console de jeux, - à l’image de la Freebox 5 HD dévoilée par Iliad ces jours-ci - ne sont pas fondamentales selon lui. Les opérateurs ADSL reviennent donc du modèle onéreux de boîtier triple play unique et peu évolutif - en dehors des mises à jour du software - pour offrir désormais à leurs abonnés une offre plus modulaire à l’image des trois terminaux dédiés de Noos sur le câble (décodeur enregistreur Digital Box, modem haut débit wifi, boîtier téléphonie numérique). La « Box » multiplay ne sera donc bientôt plus qu’un mythe.
Quant à la télévision haute définition, si les opérateurs satellitaires américains envisagent d'offrir plus de 200 chaînes en HD dans quelques années, il n’est pas sûr que tous les abonnés ADSL français puissent eux en profiter (en dehors du fait que ces contenus HD sont quasiment inexistants à ce jour). Seuls les bouquets par satellite et le câble seront techniquement en capacité de délivrer ces services. Combien d’abonnés à Free et MaligneTV pourront-ils réellement regarder la chaîne événementielle Roland Garros en TVHD annoncée aujourd’hui même par France Télévisions ? Quelques milliers à peine si l’on tient compte de la problématique de parc installé sur les décodeurs HD et de celle de l’atténuation du signal vidéo au-delà de 2000 mètres du central téléphonique. Le mythe de la TVHD deviendra-t-il réalité sur l’ADSL ? Pas tout de suite…
En attendant, je vous renvoie à la prochaine conférence Stratégies de Médias de l’EBG, le 12 mai, où les PDG de TF1, M6 et Vivendi débatteront de l’avenir de la distribution audiovisuelle.
- La multiplication des canaux et des offres de programmes offre une situation totalement inédite. Comment les différents acteurs vont-il passer le cap ? Quels seront les nouveaux rapports de force ?
- Le câble et le satellite sont-ils voués à disparaître ? Les téléspectateurs qui ne sont pas fixés sur des programmes particuliers ne seront-ils pas tentés de souscrire uniquement à des abonnements TNT ou ADSL ?
- « L’hyperciblage » a-t-il un sens ? Le ciblage extrêmement poussé, soit par le positionnement des programmes (histoire, comédie…), soit par l’âge ou le sexe ne conduit-il pas à une impasse ?
- L’ADSL est supposé remplacer à terme le satellite. Quel est le modèle économique de l’ADSL ? Que sont notamment devenus les coûts proportionnels (par abonné) qui compromettaient la rentabilité ?
- Allons nous assister à la naissance de nouveaux canaux ? Quel est le Potentiel du WIMAX ?
- Les opérateurs de téléphonie vont-ils devenir des concurrents des diffuseurs hertziens ? Qui possède les clients : le bouquet ou l’opérateur ? Sur l’ADSL quelles sont les barrières à l’entrée ? Quel sera l’environnement réglementaire ? (ARCEP vs CSA)
- La TV sur mobile : quels sont les contenus et les formats envisageables ? Et quelle sera la stratégie économique qui accompagnera inévitablement cette nouvelle forme de télédiffusion
Intervenants :
- TF1 - Patrick Le Lay, Président Directeur Général
- M6 - Nicolas de Tavernost, Président Directeur Général
- VIVENDI UNIVERSAL - Jean-Bernard Lévy, Président Directeur Général
Animation : Pierre Beaufils, Président Directeur Général de Greenwich Consulting
Commission Stratégies des Médias vendredi 12 mai 2006, de 12h30 à 14h30
Renseignements et inscriptions : http://www.ebg.net