Face à la montée de l’ADSL et l’arrivée de la fibre optique avec des acteurs comme Cité Fibre ou Erenis, le câble a-t-il encore une carte à jouer en France ? Les recettes du succès du câble américain sont-elles applicables chez nous ? Dans un univers de convergence où les agrégateurs et éditeurs de contenus cherchent à capter la valeur du client, quels sont les enjeux pour les câblos et leurs concurrents telcos ? L’avenir de la télévision passe-t-il par l’Internet ? Autant de questions que j’aborde régulièrement sur ce blog. Pour les éclairer aujourd’hui et partager cette analyse avec vous lecteurs, j’ai fait appel à l’un des plus grands experts français du câble.
Depuis 1989, cet X-Telecom s’intéresse aux tuyaux et à leurs contenus. Il garde un souvenir ému de son passage à Denvers, la Mecque du câble américain, en 1992 lorsqu’il suivait le séminaire de l’Institut Multi-Médias. En 1998, il a participé à la création de Viaccess, filiale de France Telecom spécialisée dans la protection des contenus numériques, qu’il a présidé et dirigé jusqu’en avril 2005. Cet homme, c’est Jean-Pierre Coustel.
Aujourd’hui conseiller de Patricia Langrand, directeur exécutif de la Division Contenus de France Telecom, j’ai eu la chance de le rencontrer à l’occasion de sa présentation du 24 février devant l’Institut Multi-Médias. A titre amical, il a accepté il y a quelques jours de se prêter au jeu des questions-réponses autour de l’avenir du câble, avec des réserves - bien évidemment - compte tenu de sa position. Dans l’interview vidéo ci-dessous, réalisée à la veille du rapprochement entre Noos et Numericable, il ne cite pas les deux câblos français mais il évoque leurs forces et faiblesses. Il faut lire entre les lignes. Cet ardent défenseur de la distribution TV par les réseaux large-bande connaît le marché du câble américain comme sa poche.
Avant de regarder la vidéo, je vous invite à lire quelques éléments de contextualisation que j’ai retenus de sa présentation devant l’IMM et de nos échanges informels :
- Aux Etats-Unis, la télévision c’est le câble, avec 73 millions d’abonnés – soit 2 foyers américains sur 3 -, tandis que le satellite compte 27 millions d’abonnés et la TNT seulement 2 millions
- En 2005, le chiffre d’affaires du câble était de 68,5 milliards de dollars
- Sur la câble US, le revenu mensuel moyen par abonné (ARPU) est de 78,2 dollars contre seulement 25 euros en France
- Les câblo-opérateurs investissent chaque année 27% de leur chiffre d’affaires en Capex (amélioration des réseaux, nouveaux services de VOD, téléphonie, TVHD…)
- Les recettes des grandes chaînes américaines de télévision proviennent pour 60% de la publicité, pour 30% de la distribution (câblo-opérateurs et satellite) et pour 10% des produits dérivés
- Les grands networks touchent 110 millions de foyers américains, les chaînes thématiques en couvrent 90 millions. Pour mémoire, TF1 adresse 23 millions de foyers
- L’offre de contenus a évolué du concept de chaîne vers celui de bouquet de chaînes autour d’une marque forte (Discovery, Turner Broadcasting System, Starz !, Fox Cable Networks, Playboy TV Networks, Disney). Chaque bouquet étant la déclinaison éditoriale d’une thématique
- Une exception avec HBO qui dispose d’un bouquet mais de deux marques (HBO et Cinemax), à l’image de Canal+ Le Bouquet en France et de son pâle succédané CinéCinéma
- Fin 2005, 24 millions de foyers américains avaient accès à une offre de vidéo à la demande sur le téléviseur au travers de leur décodeur câble numérique
- La consommation de télévision délinéarisée se fait aussi grâce au « Personal Video Recoder » (PVR, DVR). 4,5 millions de terminaux à disque dur étaient en service sur le câble américain fin 2005
- Dans un contexte d’audience fragmentée, les six networks (ABC, NBC, CBS, Fox, The WN, Pax) sont dans une position défensive sans précédent
- Après de grosses difficultés financières durant la décennie des 90, les telcos américains espèrent de nouveau détrôner les câblos en entrant sur le marché de la distribution audiovisuelle par l’IPTV. Exemple : l’opérateur télécom Verizon investira 22 milliards de dollars d’ici 2010 dans son projet FIOS TV, basé sur le FTTH (Fiber To The Home = raccordement des foyers en fibre optique). FIOS délivre aujourd’hui 400 chaînes SD, 20 chaînes HD et 2000 titres en VOD ; 3 millions de foyers américains étaient raccordables fin 2005.
Pour revenir à notre marché national de la télévision payante, il est intéressant de noter qu’avec près de 1400 films différents diffusés chaque mois (et plus de 5000 diffusions cumulées), le câblo-opérateur Noos-UPC est aujourd'hui le premier diffuseur TV de cinéma en France ! L’offre du câble est composée de près de 200 chaînes et services, avec des programmes pour toute la famille. Couplée à une Digital Box, on obtient là un véritable vidéo club à la maison. Cette richesse vient d'ailleurs d’être plébiscitée par les Français interrogés par IPSOS (enquête réalisée en mai 2006 auprès de 600 français ayant un bouquet TV), qui ont élu le bouquet Infinity de Noos-UPC comme étant leur bouquet de chaînes préféré, devant le bouquet CanalSat, et sur la 3e marche du podium le bouquet Sensations de Noos-UPC également. L’offre TV du câble est d'autant plus attractive par rapport à l’ADSL que la qualité de l'image et du son reste intacte même en utilisant internet ou le téléphone en même temps.
Contenus, qualité du réseau, services innovants… c’est autour de ces points que va se cristalliser la compétition entre les opérateurs pour conquérir de nouveaux abonnés et fidéliser leurs clients. Les promesses devront être tenues !
Interview réalisée avec un vidéophone Nokia N90, format natif vidéo MPEG-4 de 352 x 288 pixels. Remerciements à Nokia France J
Repères dans la vidéo :
- 0’05 Présentation de Jean-Pierre Coustel, Conseiller du Directeur Exécutif de France Telecom
- 0’30 La diffusion TV en broadband (câble, DSL, fibre optique) : la promesse de la TV à la demande et de la haute définition
- 1’50 Le modèle du câble américain appliqué à la France : accroître les taux de pénétration, améliorer la qualité de réputation et de contenu, tirer parti de la consolidation du câble
- 2’50 Le mouvement de convergence entre opérateurs de réseaux et éditeurs de contenus pourrait aboutir à une intégration verticale
- 4’20 Les marques des éditeurs de chaînes (MTV) et agrégateurs internet (Google, Yahoo) seront en concurrence avec les marques des distributeurs
- 5’30 L’infrastructure Internet sera le véhicule technique pour la TV, mais le produit sera ce que le distributeur apportera à ses clients