A l’heure où les programmes audiovisuels se répandent massivement en diffusion multi plateforme, linéaire comme non-linéaire (câble, satellite, TNT, ADSL, mobile, Internet, VOD), la TV 2.0 est-elle un marché de croissance ou un marché de substitution ? Autrement dit, cette nouvelle TV délinéarisée et participative va-t-elle cannibaliser ou pas le business traditionnel des éditeurs de chaînes ?
Lors de la première journée du Forum des Opérateurs, à Levallois-Perret, les dirigeants de M6, Lagardère Active et TF1 [voir ci-dessous l’interview vidéo d’Yves Goblet, DGa de TF1] ont exprimé leurs points de vue sur les mutations en cours sous l’effet de la convergence entre médias et télécoms.
En guise d’introduction, voici des chiffres frappants rapportés par Xavier Marvaldi, Directeur général de M6 Web. Selon l’étude d’un sociologue (Xavier, si tu retrouves ta source, je suis preneur :-), les populations de 30 ans et plus consomment en moyenne 1,7 média en simultané, tandis que les adolescents consomment en moyenne 5,4 médias en simultané (web, instant messaging, téléphone, SMS, vidéo, TV, radio, MP3, livre, journal, etc…). Cette ligne de fracture entre les « digital immigrants » et les « digital natives » illustre le multi-usage qui accroît le temps global de consommation des médias chez les jeunes. Toutefois, l’audience spécifique de la télévision tend à stagner, voire régresser, sur cette cible de consommateurs depuis quelques années. Et ce, au profit des « nouveaux médias » comme l’Internet.
Xavier Marvaldi se montre néanmoins confiant pour le groupe M6. Selon lui, il n’y a pas de substitution. Seule la télévision peut créer des événements et fédérer de larges audiences : « regarder la TV, c’est un acte éminemment social et grégaire ! ». Les grands événements en direct, comme les matches de foot ou la finale de la Star’Ac, resteront l’apanage des chaînes de télévision, même s’ils sont visionnés sur d’autres terminaux comme le PC ou le mobile. Les éditeurs de chaînes misent sur des programmes de qualité face au déversement de vidéos médiocres sur le web. Xavier Marvaldi estime que face à la profusion de contenus, les consommateurs iront vers les éditeurs de marques fortes, dans le monde linéaire comme dans le non-linéaire.
Quelques éléments d’appréciation sur les nouveaux usages. La série américaine « Prison Break », qui a réuni jusqu’à 7 millions de téléspectateurs par soirée sur M6, a généré entre 25.000 et 30.000 téléchargements payants par épisode sur M6 VOD. En revanche, sur un modèle de diffusion gratuite financée par la publicité, la dernière saison de la Nouvelle Star a cumulé plus de 10 millions de visionnages sur M6.fr… l’audience d’un gros prime time sur TF1 !
Xavier Marvaldi compte sur un transfert progressif des budgets publicitaires de la presse vers l’Internet. Coca-Cola a d’ores et déjà investi la page d’accueil du site de partage de vidéo de M6, Wideo. A terme, les programmes de TV en mobilité (TNP) financés par la pub devraient se substituer à la radio du matin grâce à l’introduction de baladeurs vidéo dédiés à la réception en DVB-H.
Chez Lagardère Active, Emmanuelle Guilbart, Présidente du Pôle Jeunesse (CanalJ, Tiji, Gulli, Filles TV), défend aussi la nécessité pour les chaînes d’être présentes sur les nouveaux supports. Ainsi, Canal J est désormais distribué – en mode payant à la demande – sur des plateformes ADSL au travers de partenariats avec des agrégateurs comme CanalPlay et Glowria.
Emmanuelle Guilbart ne croît pas à une cannibalisation des activités historiques des chaînes par la TV 2.0. Au contraire. Selon elle, l’avenir de l’audiovisuel appartient aux éditeurs qui disposent d’une part d’un savoir-faire dans la mise en avant et la promotion des contenus, d’autre part de la valeur ajoutée de marques référentes dans lesquelles les consommateurs téléspectateurs / télénautes / mobinautes placent leur confiance. Les éditeurs de chaînes doivent raisonner en « médias mixtes ».
Chez TF1, le Directeur général adjoint Stratégie & Nouveaux Médias, Yves Goblet, considère YouTube et MySpace comme des objets innovants qu’on ne peut opposer aux médias traditionnels. Car leurs usages n’ont pas encore atteint un stade de maturité. L’ancien dirigeant de TPS et Bouygues Télécom estime par ailleurs que la consommation de programmes audiovisuels asynchrones (on demand) impactera plus la « Pay-TV » que la « Free-TV ». Les agrégateurs de contenus premium comme TPS et CanalSat sont directement menacés par la VOD.
Répondant à une question de Christian Jegourel pour YouVox Tech sur l’impact des services de « place shifting » comme Orb MyCasting et SlingBox, Yves Goblet et Xavier Marvaldi s’inquiètent du développement de ces technologies qui font voler en éclat la notion de territorialité des droits audiovisuels. D’ici 5 à 10 ans, dans un monde très haut-débit, il y aura un problème de transfert de valeur par la désintermédiation de l’accès aux contenus broadband. Mais, à date, en fixe comme sur le mobile, les réseaux n’offrent pas une qualité de service suffisante pour menacer les éditeurs et les opérateurs.
Regardez à présent l’interview vidéo d’Yves Goblet de TF1. Il développe sa vision des nouveaux usages autour de la TV 2.0 et du web 2.0. Sur les logiques communautaires, notez bien le concept de mezzocosme, entre le microcosme et le macrocosme.
Retrouvez prochainement sur le webzine YouVox Tech d’autres informations et d ‘autres interviews vidéos réalisées par mon camarade Christian Jegourel au Forum des Opérateurs.