Google n’entend pas laisser le marché de la vidéo à la demande sur Internet à Apple et sa boutique en ligne iTunes. Larry Page, co-fondateur et président du moteur de recherche californien, vient d’annoncer au Consumer Electronic Show (CES 2006), à Las Vegas, le lancement de sa plate-forme Google Video Store. Pour la description de l'ambiance potache de cette présentation, avec sur scène Robin Williams, je vous renvoie à l'excellente note de Jean-Michel Billaut sur place.
La bataille entre les sites de VOD de ces deux géants (en attendant que Microsoft et Yahoo! ne se lancent aussi) va s’organiser autour des contenus et des exclusivités propres à attirer le consommateur, un consommateur uniquement américain dans un premier temps pour des logiques de distribution commerciale et de droits d’auteurs. A terme, il est clair que Google et Apple déploieront leurs plates-formes à l’international.
Alors qu’iTunes Music Store vend aux internautes américains des programmes des chaînes NBC Universal, Sci Fi Channel, USA Network, ABC ou encore Disney - les plus populaires étant les séries Desperate Housewives ou Lost - , Google Video Store va proposer des programmes frais de CBS comme la série CSI - Crime Scene Investigation - ("Les Experts" en VF), mais aussi des classiques de la télévision comme Twilight Zone, MacGyver ou encore Star Trek.
Autre différenciation sur les contenus premium, Google Video sera la première plate-forme à diffuser les matches du championnat de basket américain professionnel. Grâce à un accord avec la NBA, tous les matches seront consultables en ligne 24 heures après l’événement. Des archives de grands matches de la NBA seront également disponibles.
Enfin, dans une optique « Long Tail », Google Video Store proposera des vidéoclips avec Sony-BMG, des films indépendants, des documentaires, des interviews de personnalités, des programmes pour enfants. Seuls les contenus vidéo X sont absents de la plate-forme payante.
D'ores et déjà, près de 3.000 titres sont mis en vente ou en location. Google a calqué le prix unitaire minimum des téléchargements vidéo sur celui d’Apple : 1,99 dollars, soit près d’un 1,60 euros. Il faut ouvrir un compte Google pour procéder au paiement. Et le téléchargement nécessite d'utiliser le système d'exploitation Windows de Microsoft, exit les utilisateurs d'ordinateurs Macintosh.
A un autre niveau, cette bataille pour les droits audiovisuels outre-atlantique en annonce une autre en France. Les plates-formes de VOD CanalPlay, TF1 Vision et Ma Ligne TV devraient dans les prochains mois rentrer dans des logiques d’exclusivité avec les détenteurs de catalogues comme les majors hollywoodiennes afin de se différencier et d’attirer de nouveaux clients. On retrouvera le modèle concurrentiel de la télévision payante dans lequel CanalSat et TPS ont évolué autour des droits du foot et du cinéma avant de convenir de la nécessité de fusionner.
Le journaliste Gilles Musi de L’Expansion rappelle néanmoins que « certaines études semblent douter de l'intérêt du grand public pour le téléchargement de vidéos destinées à être regardées sur un écran d'ordinateur. Le cabinet Jupiter Research estime dans l'une de ses études qu'une personne sur quatre se déclare intéressée par le téléchargement de programmes vidéos sur Internet. Et seuls 28% des personnes interrogées dans le cadre de cette étude portant sur la tranche d'âge 18-24 ans déclaraient avoir déjà regardé une vidéo en ligne. Un chiffre qui peut paraître étonnant si l'on se réfère aux statistiques liées au piratage d'images vidéos. En 2004, le téléchargement de séries télévisées avait explosé de 150% dans le monde, selon un rapport publié par Envisional grâce à des réseaux comme BitTorrent, qui représente 70% des téléchargements de série ».
Rappelons enfin que Google Video est aussi une plate-forme de syndication pour des producteurs indépendants et des particuliers qui peuvent commercialiser au prix qu’ils désirent leurs vidéos ou choisir de les diffuser gratuitement. Google précise dans son communiqué de presse que, contrairement aux contenus payants réservés aux Etats-Unis, les contenus gratuits et non-protégés sont disponibles en téléchargement pour les internautes du monde entier. Ils peuvent être visionnés sur des baladeurs vidéos comme l'iPod ou la console PSP de Sony. La firme de Mountain View, qui aime insister sur sa vocation à « organiser l’information mondiale », anticipe à sa manière le développement des vidéoblogs (vidéocast, podcast vidéo) et le marché qui pourrait en découler.