Après l’ère du Broadcasting (diffusion de quelques chaînes généralistes), puis celle du Narrowcasting (diffusion élargie de chaînes multi thématiques), la télévision entre dans une nouvelle ère, celle de l’Egocasting.
L’Egocasting, kézako ? Un nouveau paradigme, fruit du télescopage – d’autres diraient de la convergence – entre l’audiovisuel et l’Internet.
Sous le titre « Desperate Networks ! », la 28e conférence de l’IDATE (Institut de l'Audiovisuel et des Télécommunications en Europe) à Montpellier – baptisée DigiWorld Summit 2006 – est revenue sur les principales conclusion de l’étude sur « la TV à l’heure de l’egocasting » menée par Laurence Meyer, Directrice des études Média de l’IDATE, dont j’avais parlé fin 2005.
Avant de regarder l’interview vidéo que m’a accordée Laurence, qui explique sa vision de l’egocasting, je vous propose de balayer une partie des sujets abordés lors de cette conférence sur la TV 2.0. Tout n’est pas si « desperate » pour les grands networks de télévision. Revue des espoirs et désespoirs suscités par l’explosion des usages audiovisuels autour de l’Internet.
Premier constat, selon une étude de l’institut InSites, 48% des internautes français regardent des émissions de télévision en ligne. Second constat, on dénombre sur le web plus d’une cinquantaine de plateformes de partage vidéo qui n’existaient pas il y a encore deux ans, et sur lesquelles on trouve des contenus télévisés diffusés parfois avec l’accord des ayants droits mais souvent piratés par les internautes.
Outre l’emblématique YouTube racheté par Google ou le français DailyMotion, voici quelques exemples de services broadband interactifs qui procurent une nouvelle expérience de la vidéo, voire de la télévision.
Commençons par les plus conventionnels avec la diffusion en simulcast sur le web, comme Channel 4 en Grande-Bretagne, et la « catch-up TV », comme France 5 qui permet de (re)voir ses magazines sur le web pendant une semaine après leur diffusion TV. Un pas plus loin dans la consommation personnalisée, délinéarisée, à la demande, on trouve le site expérimental Neave.tv qui agrège dans une interface en Flash et sans couture des vidéos hébergées sur des plateformes UGC (User-generated content), l'équipe italienne du site Coolstreaming.us qui propose l'accès à 3000 chaînes de télévision (webTV) et 500 radios en P2P, Instant Media qui télécharge automatiquement sur le disque dur de l’internaute des contenus vidéo gratuits sélectionnés dans une play-list, ou Brightcove et ses concurrents Dave.tv et Veoh qui surfent sur l’hébergement de chaînes de télévision thématiques personnalisables sur le Net.
Tony Dunaif, VP Content Partnerships & International Development de Brightcove, avec qui j’ai eu un échange passionnant la veille de la conférence lors du dîner du MediaClub, explique que sa plateforme se positionne en véritable place de marché en remplissant trois fonctions essentielles dans le domaine de la vidéo en ligne.
- Channel publishing : Brightcove permet à des ayants droits, particuliers comme professionnels, d’héberger et publier simplement leurs contenus sur le web sous forme de chaînes de télévision délinéarisées.
- Syndication marketplace : Brightcove se charge du développement de l’audience, d’une part en rendant le contenu trouvable sur son propre portail Brightcove.com (grâce à notamment à la technologie Blinkx.tv) ; d’autre part en syndiquant ce contenu perso ou pro dans des sites spécialisés. Cette « superdistribution », à l’image des vidéos musicales rap de Barrio 305 que l’on peut reprendre dans son blog ou des reportages TV d’actualité de Reuters destinés à enrichir les sites de news, renforce l’audience et la viralité des vidéos.
- Advertising marketplace : c’est la partie monétisation qui offre à Brightcove une positon de « gate keeper » dans la chaîne de la valeur. En effet, Brightcove peut prendre en régie les vidéos et placer à l’intérieur des publicités en pré-roll. Les revenus publicitaires générés sont partagés avec les ayants droits. Et sur du contenu premium, la plateforme peut aussi facturer l’utilisateur final au prix fixé par l’ayant-droit et reverser à ce dernier 70% du chiffre d’affaires.
Mais la TV 2.0 ne limite pas à l’UGC et à la vidéo distribuée sur le web. Il a également été question à l’IDATE du PVR (Personal Video Recorder) qui permet de regarder sur le téléviseur, quand on le souhaite, ses programmes TV enregistrés. Mon camarade Jérôme Perani, Strategic Partnership Manager de NDS France – filiale de News Corp spécialisée dans le middleware et la sécurisation des contenus – a donné factuellement quelques chiffres sur ces terminaux numériques à disque dur. Ils ne représentent que 2,4% du parc en France (source GFK – 2005) contre 9,5% aux USA et 5,9% en Grande-Bretagne. Je pense cette faible pénétration sur le marché français est le fait des opérateurs comme CanalSat et TPS qui ne les poussent pas auprès de leurs abonnés. Chez nous, les PVR sont distribués pour 80% d’entre eux en retail (vente en boutique) et pour 20% via les opérateurs de bouquets. Ces chiffres sont rigoureusement inversés aux USA et en Grande-Bretagne. La stratégie de distribution de CanalSat et TPS me paraît peu ambitieuse quand on sait que le PVR, pour un surcoût d’une centaine d’euros par terminal, accroît l’ARPU (revenu moyen par utilisateur) et réduit notablement le churn (désabonnement) par une meilleure satisfaction des abonnés TV numérique.
Attendez-vous à de la nouveauté côté PVR en 2007. Ils seront bientôt connectés aux réseaux broadband via le câble et l’ADSL. NDS, travaille à cette nouvelle génération de PVR, les PVR 2.0, dont les usages vont au-delà des classiques fonctions d’enregistrement et de « time shifting » (pause pendant le direct). Jérôme Perani a ainsi présenté le service XSPACE, qui permettra aux opérateurs de diffuser sur les téléviseurs de leurs abonnés des contenus vidéo issus du web comme, par exemple, MTV Overdrive déjà disponible sur les PC des abonnés broadband du câble. Jérôme a eu la gentillesse de m’autoriser à publier une slide résumant les nouveaux usages du PVR que NDS souhaite promouvoir. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
La TV 2.0, c’est aussi la VOD (video on demand, vidéo à la demande) sur son téléviseur. A l’image de Comcast On Demand, Philippe Besnier - PDG de Noos et Numéricâble - prévoit la disponibilité de ce type de service sur le câble français au deuxième trimestre 2007. En attendant, les concurrents ADSL sont déjà très actifs. Outre Free qui travaille depuis un an avec CanalPlay, Club Internet vient de se lancer dans la VOD sur sa nouvelle plateforme Microsoft IPTV. Marie-Christine Levet, Présidente de T-Online France / Club Internet, se déclare satisfaite des résultats de la première étude auprès de ses abonnés aux services de TV par ADSL (40 chaînes TV de base, 110 chaînes supplémentaires avec l’option Bouquet TPS, PVR couplé à l’EPG / Guide électronique des programmes, un millier de programmes en VOD payante, Canal J à la demande sur abonnement en SVOD / Subscription VOD). Selon cette étude de Club Internet, 30% de ses clients actifs TV souscrivent à une chaîne payante ou au bouquet TPS. Quant à la VOD, un quart des clients actifs TV l’utilisent avec en moyenne deux actes de consommation par mois.
A présent, place à l’interview vidéo de Laurence Meyer, Directrice des études Média de l’IDATE, devant le Corum de Montpellier. Elle revient sur les conclusions de son étude prospective sur la TV en 2015, sa vision de l’egocasting et de la TV 2.0. Ecoutez-la attentivement, car en dépit de l’explosion des usages haut-débit sur Internet et des contenus vidéo UGC, nos téléviseurs ne sont pas prêts de s’éteindre. Selon elle, les marques fortes de l’audiovisuel sont promises à un bel avenir. Une vision que je partage.
Je n’ai pu rester jusqu’à la dernière conférence de la journée sur la TV mobile, avec notamment Julien Billot d’Orange et Laurent Souloumiac de France Télévisions Interactive, mais je pense que dans les prochains mois il faudra suivre de prêt l’un des intervenants, Luc Julia et sa société Orb. J’avais eu le plaisir d’échanger avec Luc dans ses locaux de la baie de San Francisco, en mars dernier, dans le cadre du voyage d’études du Séminaire de l’Institut Multi-Médias aux Etats-Unis. La nouvelle version de son service de « place shifting », Orb MyCasting, permet à l’utilisateur d’accéder à ses contenus domestiques à distance sur le mobile, y compris les vidéos de YouTube ou ses chaînes de TV par câble. Une initiative qui n’est pas sans rappeller la SlingBox de la société californienne Sling Media. Christian Jegourel a publié un article complet sur Orb MyCasting dans le magazine YouVox Tech, suite à la conférence de presse donnée à Paris ce mercredi.