Dernière étape et dernier compte-rendu du voyage d’études de l’Institut Multi-Médias aux USA : Los Angeles. Assumant pleinement sa filiation avec 5 des principaux studios américains qui sont ses actionnaires - Warner Brothers, Sony Pictures, Universal, MGM et Paramount – Movielink est basé à Santa Monica, au cœur de l’industrie hollywoodienne. L’entreprise, fondée fin 2001, avait initialement trois objectifs : (1) lancer un service de cinéma en vidéo à la demande aux Etats-Unis ; (2) déployer un réseau de distribution pour les majors sur l’Internet ; (3) favoriser l’utilisation des DRM pour protéger les contenus audiovisuels. L’objectif sous-jacent étant double : tester de nouveaux modes de distribution pour les oeuvres cinématographiques et lutter contre le piratage.
C’est en novembre 2002 que l’offre commerciale de Movielink a vu le jour, avec 175 titres proposés à la location pour 24h et deux solutions de DRM (Microsoft et RealNetworks). Aujourd’hui, son PDG Jim Ramo est fier d’annoncer que tous les grands studios - 20th Century Fox comprise (alors qu’elle n’est pas actionnaire de l’entreprise) – mais aussi les producteurs indépendants sont sur Movielink avec plus de 1.400 programmes à louer. Toutefois, interrogé sur le chiffre d’affaires de son service et le nombre d’actes d’achat, il se montre moins loquace. Selon lui, « la vidéo à la demande sur Internet est rentable, mais la taille du marché n’est pas encore suffisante ». Nous n’en saurons pas plus.
Quelques indications intéressantes sur les usages de Movielink :
- les nouveautés ne représentent que 14% des ventes, contre 86% pour le catalogue, ce qui tendrait à valider le concept de « Long Tail » (longue traîne) comme l’explique dans l’interview vidéo ci-dessous Jim Ramo ;
- le cœur de cible est une clientèle âgée de 31 à 54 ans, composée pour 2/3 d’hommes et 1/3 de femmes ;
- les films en VOD sont téléchargés dans un tiers des cas sur un ordinateur portable, ce qui autorise le visionnage en situation de nomadisme, et 15% des clients ont raccordé leur PC à un écran de télévision pour un meilleur confort de lecture ;
- le client moyen de Movielink consomme 2,5 films par mois
Pour le moment, la société ne propose pas d’offre en SVOD (vidéo à la demande sur abonnement) à cause des fenêtres de diffusion sur le marché américain. Ce sont en effet les chaînes de cinéma à péage comme HBO et Starz qui détiennent l’exclusivité de la Subscription VOD pour leurs abonnés à « HBO On Demand » et « Starz On demand ». Mais Movielink vient d’ouvrir un nouveau segment de marché en proposant la vente de films en téléchargement, simultanément à leur sortie DVD. Cette initiative des majors hollywoodiennes est une première mondiale pour tenter de limiter les pertes causée par le piratage de DVD et les réseaux illégaux de P2P.
Interrogé sur la concurrence, Jim Ramo voit plusieurs types de compétiteurs pour Movielink : d’abord le piratage, puis les chaînes TV de cinéma à péage, la vidéo à la demande sur le câble, les services de pay-per-view sur les bouquets de TV par satellite, et d’autres pure players Internet comme le service de VOD CinemaNow dédié au cinéma indépendant. Curieusement, Google Video n’est pas cité. Jim Ramo explique que le moteur de recherche n’est pas dangereux pour Movielink pour plusieurs raisons. D’abord, Google ne vend pas (encore) de cinéma, ensuite la télévision est un contenu gratuit, enfin l’expérience client sur Google Video Store est selon lui encore très pauvre et ne propose pas de merchandising.
Et l’avenir ? Une certitude, Movielink n’envisage pas de se lancer en Europe. Les cinq studios actionnaires ne sont pas dans une logique d’exclusivité et ils souhaitent maximiser leur profits en cédant leurs droits audiovisuels dans chaque pays à toutes les plateformes de VOD intéressées, moyennant des minimum garantis.
Restent ensuite trois challenges auxquels Movielink devra faire face pour se développer aux Etats-Unis :
- Accroître le catalogue de films disponibles à plusieurs milliers. La difficulté réside dans le fait que les studios de cinéma américains n’ont –jusqu’à une époque récente - pas acquis les droits musicaux Internet pour leurs propres films, ce qui empêche de les commercialiser en VOD.
Résoudre ce que l’on appelle le « 10 foot problem » en référence aux 3 mètres qui séparent le téléspectateur de son téléviseur (contre « 3 foot », moins d’un mètre, devant son ordinateur). Le succès de la VOD sur Internet repose en effet sur la possibilité de regarder confortablement les films sur un grand écran, LCD ou plasma, dans son salon ou sa chambre. L’arrivée de technologies grand public comme Viiv d’Intel et Media Center de Microsoft devrait accélérer le taux de raccordement des PC aux téléviseurs.
- Offrir la possibilité aux consommateurs de porter (« portability » en anglais) les films achetés sur PC vers les terminaux de leur choix, qu’il s’agisse d’un baladeur vidéo, d’un second disque dur, d’un DVD ou d’un Memory Stick destiné au mobile. Les technologies DRM doivent encore mûrir pour gérer intelligemment les droits et les protections attachés aux œuvres audiovisuelles.
Il est d’ailleurs amusant de constater que Jim Ramo confonde le sujet de la mobilité des contenus avec celui de la vidéo sur les téléphones mobiles. Dans l’entretien vidéo ci-dessous, mon camarade de promotion Hani Ramzi, Vice-Président Business Consulting chez Alcatel, pose la dernière question au patron de Movielink sur le potentiel marché des portables. Lequel répond à côté. Apparemment, vu le retard du développement du « mobile business » aux Etats-Unis, la VOD sur les téléphones mobiles n’est pas au cœur de ses préoccupations.
Interview réalisée avec un vidéophone Nokia N90, format natif vidéo MPEG-4 de 352 x 288 pixels. Remerciements à Nokia France J
Repères dans la vidéo :
- 0’02 Présentation de Jim Ramo, PDG de Movielink
- 0'10 Les facteurs clés de succès pour la vidéo à la demande de films
- 0’30 Les challenges de Movielink : marketing du côté du catalogue et technologique avec la connexion des téléviseurs à l’Internet
- 0’55 Le concept de « Long Tail » (longue traîne) facteur de différenciation de la VOD sur Internet face au satellite et au câble
- 1’10 L’importance de la mobilité pour les vidéos téléchargées