Que du beau monde dans les salons cosy de l’hôtel Intercontinental à Paris à l’occasion de l’assemblée générale de l’EBG (Electronic Business Group) : un Ministre en ouverture, Renaud Donnedieu de Vabres en charge du portefeuille de la Culture et de la Communication, et un plateau de choix parmi les dirigeants de grands groupes Média et Télécoms. Pour ne citer que les plus emblématiques : Patrick Le Lay (PDG de TF1, élu président de l’EBG en remplacement de François-Henri Pinault), Arnaud Largardère (Président de Lagardère), Nicolas de Tavernost (PDG de M6), Guillaume de Posch (PDG de ProsiebenSat1), Gerhard Zeiler (PDG de RTL Group), Emmanuel Florent (PDG de TPS), Michael Boukobza (Directeur Général de Free). Le thème de cette journée, Internet and Profitability, ne reflète pas la teneur des débats. Il a surtout été question de révolution des médias avec l’arrivée de la TV sur ADSL et de la vidéo sur mobile. Quel que soit le support, il en ressort une certitude : « le contenu est roi » !
Parmi les déclarations marquantes de cette journée, on retiendra celle volontariste du Ministre à propos de la télévision haute définition (TVHD). Renaud Donnedieu de Vabres estime qu’elle devra être disponible dans tous les foyers dans un an grâce à la TNT et au choix de la norme de compression MPEG 4. Il imagine en hertzien un bouquet de chaînes HD gratuites et payantes, incluant le service public.
Interrogé sur les rumeurs d’entrée de son groupe au capital de Canal+, Arnaud Lagardère a lâché : « Depuis 6 ans qu’on l’annonce, ça va se faire… Car il y a une vraie logique industrielle ! ». Clin d’œil à la vision de la « convergence » par Jean-Marie Messier, le jeune patron n’a pas caché ses craintes d’une intégration verticale de l’audiovisuel par les télcos. Selon lui, « dans 7 ans, France Telecom pourrait challenger Canal+ et TPS sur les droits du foot ». Il pointe également le risque d’une nouvelle bulle boursière autour de quelques acteurs dominants. Revenant sur le métier de base de Lagardère dans l’audiovisuel, l’édition de chaînes, il estime que comme aux Etats-Unis les contenus thématiques devraient à terme représenter 50% de l’audience. Dans cette perspective, il se dit agnostique quant aux choix des plates-formes de distribution, mais il juge indispensable de fixer rapidement une date de fin pour la télévision analogique. Seule une deadline permettra de stimuler la migration des téléspectateurs vers le marché de masse de la TNT (2/3 des foyers français en réception hertzienne aujourd’hui).
Le débat sur la TV par ADSL a donné lieu à une énième passe d’armes entre les deux rivaux TPS et Free, habitués à se retrouver devant les Tribunaux. Seule avancée, Emmanuel Florent se dit d’accord pour une reprise de son service de pay-per-view Multivision ainsi que de son futur service de vidéo à la demande sur la Freebox. En revanche, il refuse une fragmentation de son bouquet TPSL par Free avec une commercialisation chaîne par chaîne. De son côté, Michael Boukobza a rappelé l’exigence de Free de pouvoir diffuser TF1 et M6 sur sa set-top-box.
Globalement, les opérateurs télécom (Free, 9Télécom, FT) ont martelé qu’il était hors de question pour eux de devenir des producteurs de contenu audiovisuel. Hervé Payan, Directeur partenariats et service de la Division Contenus de France Telecom cite en exemple l’accord intervenu avec Canal+ pour la diffusion exclusive de Foot+ (7 des 10 matches de Ligue 1) en VoD sur Ma Ligne TV. Cela étant dit, les craintes exprimées par Arnaud Lagardère en sortent renforcées…
Les seuls à afficher une relative sérénité face aux télcos sont les grands groupes audiovisuels européens. Ni Patrick Le Lay ni Nicolas de Tavernost n’imaginent qu’un opérateur télécom puisse créer une chaîne de télévision gratuite. Pour le PDG de M6, la grande bataille se jouera sur l’acquisition et la protection des contenus. Son groupe cherche à intégrer verticalement les droits sur tous les supports (cinéma, pay-TV, VoD, mobile, internet, DVD) de manière à pouvoir gérer l’intégralité de la diffusion sans effet de parasitage par des concurrents.
Guillaume de Posch voit en la technologie TVoDSL une opportunité pour les chaînes gratuites de monétiser leur reprise par les fournisseurs d’accès internet. Ces derniers, à l’instar de Free en France, ont besoin de contenus forts et fédérateurs pour vendre du débit. Alors, pourquoi les chaînes gratuites ne se feraient-elles pas payer ?
Pour finir, Patrick Le Lay lâche une anecdote savoureuse sur son activité de la nuit précédente. Il explique comment à minuit, n’ayant pas la télé dans sa chambre, il a regardé pour la première fois LCI (forcément !) en direct en streaming sur son mobile 3G. Son expérience personnelle de télénaute le conforte dans l’idée que les chaînes du groupe TF1 doivent aller sur tous les supports en adaptant leur contenu. Aucune ambiguïté, le message est bien passé : « Content is king » !