La dernière livraison de la revue Les Nouveaux Dossiers de l’Audiovisuel, éditée par l’INA, tient ses promesses. Sous la férule de la journaliste Estelle Dumout, des experts de l’audiovisuel et des nouvelles technologies se livrent à une analyse des évolutions en cours sur les nouveaux supports de diffusion de la télévision.
La première partie consacrée à la TV par ADSL met en évidence le risque d’une France à deux vitesses, entre les foyers qui sont éligibles au dégroupage et progressivement à l’ADSL2+ et ceux qui ne le sont pas.
Dans un article sur la situation contrastée dans les pays européens, Adam Daum, analyste à l’institut américain Gartner prédit « une menace réelle pour les acteurs du câble » en France.
Jean-Pierre Arnaud, professeur au Cnam et spécialiste des réseaux, voit en la TV par ADSL un sérieux concurrent pour la TNT. Un point de vue qui rejoint implicitement celui déjà exprimé par le PDG de TF1, Patrick Le Lay.
La deuxième partie aborde la bataille des contenus.
Philippe Bailly, directeur du cabinet NPA Conseil, explique en quoi l’arrivée des décodeurs à disque dur va modifier le comportement des téléspectateurs. Conséquence directe pour les chaînes : une consommation déstructurée de la télévision, affaiblissant la notion même de grille de programmes. Mais, surtout, des téléspectateurs qui zappent les écrans publicitaires. Dans une étude de juillet 2004 sur les PVR et la VOD, NPA Conseil estime que la perte de chiffre d’affaires pourrait atteindre les 5% pour les chaînes françaises d’ici 4 ans.
La bataille des contenus va principalement se livrer sur le terrain de la VOD (abréviation de « Vidéo à la demande » en anglais). Afin de combattre le piratage, les fournisseurs d’accès internet réclament aux professionnels du cinéma l’émergence d’une offre légale alignée sur l’exploitation vidéo dans la chronologie des médias, soit une commercialisation 6 mois après la sortie en salle. Michel Gomez, délégué général de l’ARP (Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), répond en substance qu’il n’est pas question de démanteler le financement du cinéma français au profit des détenteurs de tuyaux que sont les FAI. Il suggère par ailleurs que la VOD soit l’opportunité de « promouvoir le cinéma iranien ou les courts métrages en ligne » et pas nécessairement que les blockbusters.
Résolument optimiste et volontariste, Jean-Michel Cornu, président de Videon, estime que l’ADSL offre une opportunité unique aux télévisions de proximité pour se développer. Ces télévisions associatives et participatives, à faible budget, doivent selon lui inventer les programmes de demain avec beaucoup plus d’audace que les autres chaînes. Quelques pistes de réflexion : « mise à disposition de programmes anciens, interactivité, échanges entre les téléspectateurs ou même les télés ».
La 3e et dernière partie est consacrée à l’évolution vers la télévision mobile.
Le journaliste Philippe Astor pointe les enjeux liés au choix des normes de compression. Microsoft, avec son format VC-1 concurrent du MPEG-4, attend son heure. La firme de Seattle ne cache pas ses ambitions de contrôler la télévision interactive au travers de ses solutions IPTV (Internet Protocol Television).
Jérôme Bouteiller, rédacteur en chef de Neteconomie.com, insiste sur la fragilité des modèles économiques pour la télévision mobile. Les grands acteurs de télévision payante n’entendent pas se laisser confisquer la maîtrise du client par les opérateurs mobile. En attendant, les fabricants de terminaux devront améliorer l’autonomie de leurs appareils. Et les opérateurs de réseaux hertziens (TNT, mobile) devront garantir une qualité de service satisfaisante pour délivrer en direct de la vidéo sur nos « tout » petits écrans.
Enfin, n'oublions pas celui qui en définitive décide du succès ou de l'échec de n'importe quel produit : le consommateur. Du côté des usages, Florence Le Borgne-Bachschmidt, responsable du Pôle télévision à l'Idate, détaille ce que devrait être la consommation audiovisuelle mobile à moyen terme. En guise d’avertissement, elle invite les opérateurs (mobile ou chaînes de télévision) à « faire la preuve que ces services fonctionnent et qu’ils peuvent remplir chez l’utilisateur un besoin jusqu’alors non satisfait par un autre média ».